par Louis-Guy Lemieux | Le Soleil
Le généalogiste Gérard Lebel nous apprend, dans Nos ancêtres, que Jean Guay (ou Guet ou Guyet), un menuisier de son métier, est le fils de Jean et de Marie Dumont. Il est originaire de la commune de Notre-Dame de Breneuil, aujourd’hui Berneuil, canton de Gémonac, arrondissement de Saintes, département de la Charente-Maritime, en Saintonge.
Il débarque à Québec, en 1646. Il a voyagé à bord du navire Le Cardinal, en compagnie de Pierre Legardeur de Repentigny, l’un des fondateurs de la Compagnie des Habitants.
Jean a 20 ans quand il s’engage pour venir en Nouvelle-France comme « donné » aux Jésuites, c’est-à-dire comme missionnaire laïc, probablement dans la mouvance de René Goupil, un des martyrs canadiens canonisés en 1930 et arrivé six ans avant lui.
Gérard Lebel précise que le nombre des « donnés » aux Jésuites en vint même à dépasser la vingtaine. Ces missionnaires sans la soutane ont des privilèges, mais aussi des obligations. Les pères doivent leur fournir le couvert et le gîte. Par contre, ils s’obligent à la vie pénible et laborieuse des pères, avec visite au Saint-Sacrement tous les jours et vœux de chasteté. Différence notable, ils peuvent se servir d’une arme à feu et se battre contre les Iroquois.
Bernard Guay a présenté à l’Université Laval, en 1978, une étude scientifique sur son ancêtre Jean. On y apprend que ce dernier a passé deux années à Québec à travailler pour les Jésuites avant de suivre le Jésuite Jérôme Lalemant à la mission Sainte-Marie, au pays des Hurons. Une petite flottille de 50 canots quitte Trois-Rivières le 6 août 1648. Le voyage dure 35 jours.
En arrivant à Sainte-Marie, c’est la désolation et le désespoir. En juillet, les Iroquois avaient détruit la mission Saint-Joseph et tué 2000 Hurons. Un véritable génocide.
Au début de l’hiver 1649, ce sera le tour de la mission Saint-Ignace. Les pères Brébeuf et G. Lalemant sont capturés et martyrisés. Les Hurons, épouvantés, supplient les pères de les suivre à l’île des Chrétiens, ou Saint-Joseph, à 33 kilomètres de là. On y passe l’hiver, mais, le 30 mars, on se décide à fuir Sainte-Marie. On met le feu à cette mission qui représente 10 années de travail.
Le 10 juin 1650, les missionnaires, leur personnel, dont Jean Guay, et 300 Hurons se sauvent vers Ville-Marie (Montréal), puis vers Québec, qu’ils atteignent le 28 juillet.
Les Iroquois continuent leur harcèlement. Plusieurs pensent qu’il faut abandonner la colonie. Quelques pères, des frères et des donnés retournent en France. Jean Guay n’a pas froid aux yeux. Il décide de rester.
Jean s’établit
Que fera l’ancêtre à son retour à Québec ? Il travaille à défricher une terre de quatre arpents de front à la Pointe-Lévy, sur la côte de Lauzon. Cette terre d’abord propriété de Louis Lauzon de La Citière est bientôt achetée par les Jésuites.
Jean vit sur cette terre et entretient en plus une pêche à l’anguille d’un grand rendement. Il a comme voisin Guillaume Couture, un ancien « donné », comme lui, et interprète auprès des tribus indiennes.
À 26 ans, Jean Guay décide de fonder une famille. Il se fait relever de ses vœux de chasteté et fait sa cour à Jeanne Mignon, 16 ans, probablement une fille du roi. Elle était arrivée à Québec à l’été de 1652. Elle est originaire de Saint-Sauveur de La Rochelle et déclare être la fille de François Mignon et de Marie Bélanger.
Le 10 novembre de la même année, Jean épouse Jeanne. Jean Le Sueur bénit l’union à la Pointe-Lévy même, dans la maison de Guillaume Couture, qui lui sert aussi de témoin. L’autre témoin est François Bissot, sieur de la Rivière, futur propriétaire de la première tannerie à Lauzon. Le couple aura 11 enfants.
L’ancêtre Jean a défriché huit arpents de terre en cinq ans. Il a entretenu la grande pêche à l’anguille et il a construit une petite maison sur la terre de la Pointe-
Lévy qui fait 4 arpents sur 40. Les Jésuites lui concèdent à rentes cette terre en 1658 ; et ils la lui cèdent le 19 juin 1666.
Au recensement de 1681, il possède un fusil, neuf bêtes à cornes et 30 arpents en valeur. Parmi les 49 propriétaires résidants à la côte de Lauzon, selon Gérard Lebel, il n’y avait que la veuve Catherine Gauthier qui le doublait en superficie cultivée, et un seul qui l’égalait, Jean Dumets.
Sur les 11 enfants de Jean et de Jeanne, quatre garçons se marieront et assureront la descendance de l’ancêtre. Tous les actes de baptême des enfants sont conservés à Notre-Dame-de-Québec.
L’aîné, Jean, né le 26 octobre 1653, est ondoyé (baptisé civilement) par Guillaume Couture et a comme parrain Jean de Lauzon, gouverneur du pays. L’enfant décédera la même année. Un second Jean, né en 1654, n’a pas laissé de descendants. Les généalogistes perdent les traces de Guillaume, de Pierre et de Charles. Joseph ne vivra que quelques jours.
Heureusement, les autres garçons fonderont des foyers féconds : Ignace unit sa vie à Marguerite Rochon et à Perrine Samson, en secondes noces ; Louis, à M.-Anne Bégin et à Suzanne Samson, aussi en secondes noces ; Jacques, à Marguerite Chauveau; et Michel, à Élizabeth Albert. La seule fille de la famille, Françoise, mourra à l’âge de quatre ans.
Les registres sont muets au sujet de la mort de l’ancêtre Jean. On croit qu’il décède à la fin de l’hiver 1694, à l’âge de 68 ans.
Jeanne Mignon décède à l’Hôtel-Dieu de Québec, le 24 mars 1701. Elle était âgée de 66 ans.